Publié le Le 04/03/2014, dans Gastronomie | par Alexandre de La Cerda
Non content d’avoir repris la tradition de ses ancêtres qui avaient fait de leur belle demeure une thébaïde artistique où l’on croisait – et écoutait – Ravel, Stravinsky, Bonnal et Balanchine, Michel d’Arcangues y ajoute la dimension des tables d’excellence avec ses rendez-vous “Une saison un chef“ qui ont plus d’une fois associé la créativité de chefs étoilés à l’écrin prestigieux du château.
Cette fois, ce ne sont pas moins de six grands talents culinaires du Pays Basque qui ont été rassemblés sur l’initiative d’Olivier Bernard, président de l’Union des Crus Classés de Bordeaux (et lui-même propriétaire du Domaine de Chevalier avec quelques autres “grands“ bordelais), faisant d’Arcangues « le dernier refuge des gastronomes impénitents » selon la belle formule appliquée par les “Années Folles“ au célèbre “Château Basque“ de la Villa Belza !
Infatigable promoteur de l’appellation Pessac-Léognan (et de quelques autres) aux quatre coins du monde – il œuvre ces jours-ci avec l’association des sommeliers à l’Ile Maurice -, Olivier Bernard n’en privilégie pas moins ses « voisins immédiats de la côte basque, ainsi qu’une longue tradition d’amitié avec Michel d’Arcangues et son château » où il a déjà réalisé plusieurs manifestations : « il faut prêcher la bonne parole chez soi, j’aime que mon vin soit bu dans ma région en réunissant la restauration des deux côtés de la Bidassoa » !
A l’image de précédentes dégustations de son Domaine de Chevalier au Palais de Biarritz puis au Maria-Cristina donostiar, se trouvaient donc réunie à Arcangues la fine fleur de la cuisine basque devant un parterre de convives professionnels et amateurs allant de Jean Cousseau (le Relais de la Poste à Magescq) à Stijn Oyen, nouveau directeur général du Maria-Cristina en passant par mon confrère Iñigo Galatas, rédacteur du supplément gastronomique du Diario Vasco qui porte ce joli titre : « Cosas gastronomicas, vinos y de la buena vida ».
On reconnaissait également Norbert Fradin, propriétaire (et restaurateur) de plusieurs châteaux historiques dont celui, bordelais, du “Prince Noir“ au débouché du pont d’Aquitaine sur la rive droite de la Garonne, où officie désormais Vivien Durand, le jeune chef qui a fait perdre l’étoile d’Eguiazabal en quittant la maison hendayaise.
La terre, le fruit et le vin
Avec la logistique impeccable du traiteur-restaurateur donostiar Bokado (associé à Arzak) et l’aide de La Gazette Gourmande, les premières entrées de ce menu gastronomique exceptionnel étaient accompagnées des remarquables millésimes 1992 et 2002 du Domaine de Chevalier, le premier étant un des rares blancs secs vendangés et triés “fruit par fruit“, comme dans le Sauternais, et qu’il convient de décanter, il accompagna merveilleusement un très réussi carpaccio de foie gras jambon bellota, crumble d’ail rose apprêté par Xavier Isabal, représentant de trois génération qui se sont succédées aux commandes d’Ithurria, l’établissement étoilé d’Aïnhoa.
Tous ont également apprécié le merlu rôti au sésame noir et huile d’Espelette de Mikel Santamaria, Bokado nous ayant déjà comblé de cette inimitable texture du poisson qu’on ne trouve qu’en Euskadi. Cuisson tout aussi exacte pour son “caneton de chez Duplantier“ que Fabian Feldman, le jeune chef allemand étoilé à Saint-Charles, a accompagné d’inédits (sur les tables recherchées) topinambour et églantine noire.
Le millésime rouge 1990 du Chevalier fut suivi d’un très apprécié Lespault-Martillac 2010, autre fleuron de la “galaxie Bernard“ accompagnant en guise de fromage une pomme dauphine à l’ardi gasna (œuvre du chef de “La Réserve“ luzienne)et d’un sauternes château Guiraud 2000 qui a contenté les plus difficiles, avec les “trois choux, trois parfums“ du non moins étoilé David Ibarboure de Brikéténia à Guéthary. La conclusion revenait à Olivier Bernard : « la peau du raisin est le sachet de thé du vin. Avant la vendange, la terre porte le fruit. Après la vendange, le vin doit exhaler la terre » !
Mais à Arcangues, on n’oublie pas pour autant les plus malchanceux : comme la soirée précédente était consacrée à “l’école pour tous Happy Chandara“ de Tina Kieffer destinée aux jeunes cambodgiennes, celle-ci a permis de ramasser des fonds au profit de “Chrysalide“, association de soutien aux jeunes en situation de handicap et à leurs familles.